Ces derniers jours, ces dernières semaines, ces derniers mois, j’ai participé en ma qualité d’élu à la défense de la desserte ferroviaire sur plusieurs petites gares de la Gironde, dont celle de ma commune. Confronté à la décision unilatérale d’une collectivité ordonnatrice dans des domaines impactant la qualité de vie de familles et d’étudiants notamment, il a fallu malgré les coups se montrer solide et solidaire pour ne pas courber l’échine.
Je ne reviendrai pas sur cette dépendance aux autres qui est la nôtre, maires, encore plus dans les communes où la faiblesse des moyens financiers et humains limite les capacités de résistance et d’autonomie pour faire sans. L’objectif de ce billet est davantage de réfléchir sur le devenir de la notion de combat dans notre société contemporaine, et comment l’évolution des codes qui le régissent influe sur le mandat des élus locaux.
Comme j’ai pu l’expliquer précédemment, il est aujourd’hui regrettable de rejeter en bloc l’idée même de l’affrontement, du débat, du désaccord. Le mouvement continu du changement dans notre monde, en tout temps, est inévitablement générateur de ces rapports de force et de ces nécessités de choisir, de décider, de concéder, de dialoguer et d’argumenter. Ils sont l’expression même de l’infinie diversité de l’humain et de son environnement. Pourquoi ne pas voir en eux un caractère d’utilité publique ? Il serait si triste de vivre dans un monde où tous seraient d’accord … (et le simple fait que certains lecteurs puissent contester cette vision conforte cette logique).
C’est un sujet qui doit questionner, même si comme souvent, les réponses sont rarement simples ou évidentes. Elles sont difficiles à trouver, situées autour d’un point d’équilibre qui fluctue en fonction de celui qui le cherche. Celles qui entourent la notion de combat n’échappent pas à cette règle.
Accepter l’idée même du désaccord, et de la notion de lutte qui peut en découler, n’est bien évidemment pas chose aisée. Les conséquences d’une mauvaise maitrise des règles qui doivent l’encadrer peuvent être néfastes, voire dramatiques. Combien de grands malheurs de l’Histoire du monde en ont été le résultat. Qui avait prévu que l’escalade qui suivit l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo le 28 juin 1914 déboucherait sur la mort de millions d’humains dans un conflit planétaire ? Beaucoup de décisions furent prises par des Etats-Majors persuadés que l’adversaire ne réagirait pas. Ces erreurs d’appréciation entrainèrent le monde dans le chaos. Des exemples tels que celui-là, notre passé en regorge.
Pour autant, il regorge également de résultats inverses, car beaucoup de grandes avancées sociales ont été acquises à la suite de mouvements contestataires.
Mais est-il alors possible de différencier ce qui relève du « bon » et du « mauvais » combat ?
Sans pouvoir répondre de manière exhaustive sur cet aspect du sujet, l’expérience actuellement vécue me permet d’en mettre trois en exergue.
Le premier se rapporte au degré de violence. Son absence peut sans doute être l’un des critères importants de définition de ce qui devrait relever du combat légitime, même s’il faut différencier la violence physique de la violence verbale, si tant est que la seconde n’engendre pas la première.
Le dialogue est un autre de ces critères qui complètent les règles tacites conventionnant un combat raisonné. Il se doit alors d’être double. D’abord, il prend la forme d’une logique d’écoute et de concertation préalable à la décision qui permettra l’intégration, dans la compréhension des enjeux, des conséquences de la décision sur les acteurs concernés ou impactés. Ensuite, le second aspect du dialogue doit justifier de la nécessaire argumentation des éléments permettant à ceux qui le souhaitent d’avoir une base de compréhension objective sur les changements souhaités. En résumé, il est important d’écouter et de s’écouter pour mener un combat loyal et réussir le changement, tout comme il est nécessaire d’expliquer en pleine transparence pour faire mieux comprendre.
Trop souvent dans notre pays, les décisionnaires se comportent comme des « sachants » qui s’autocensurent par conviction ou paresse, considérant que le public ne sera pas en capacité de comprendre la pleine ampleur des enjeux. Quelle grave erreur d’anticiper la prétendue incapacité d’autres à appréhender les logiques qui nous ont amenés à prendre telle ou telle décision. Il y a presque quelque chose de désagréablement hautain dans ce mécanisme. Certes, expliquer n’est pas chose aisée. Être compris l’est encore davantage. Cela n’en est pas moins une obligation et un impératif de toute personne dont le périmètre des responsabilités impacte la vie de personnes tributaires de son pouvoir décisionnel.
Or, tant en qualité d’élu local que de citoyen, j’ai la sensation que nous sommes rentrés depuis un moment dans un monde où le combat s’est durci. Le dialogue entre les différentes forces vives de notre pays s’est rigidifié. Les hommes, les idéologies, les discours, les rapports se tendent. Notre société se clive, avec ce sentiment d’être proche d’une escalade incontrôlable qui pourrait jaillir de cette tension sous-jacente qui affecte notre société. Sous le tapis asséché de notre système démocratique, ce sont des cendres chaudes plus que de la poussière qui ont été dissimulées.
Pour autant, les moyens de contestation qui étaient ceux de nos aînés ont peu évolués avec le temps. L’échelle de graduation est à peu près restée la même, encore à notre époque : demander, relancer, pétitionner, crier, manifester, faire la grève, s’insurger … C’est finalement sans doute davantage la réaction des décideurs en charge de prendre en compte la contestation qui a changé. Elle s’est durcie.
J’entends bien qu’il est toujours compliqué de savoir qui a le premier raidi sa posture. Beaucoup pourrait considérer que la dissonance entre les décideurs et les citoyens est tout autant la responsabilité des seconds. Il faut néanmoins toujours considérer que ce sont les premiers qui peuvent agir sur les leviers qui éliminent les causes de la radicalisation : paupérisation, éducation, respect des principes républicains …, et que de part leur fonction élective, ils devront toujours être ceux qui ne cèdent pas aux sirènes de la facilité et du radicalisme. Il en va de l’honneur de leur fonction.
Dans un contexte de valorisation du concept de la démocratie participative, un profond décalage s’est créé entre la volonté affichée et le résultat final. Il est évident que la logique de la concertation ne peut fonctionner que si elle est prévue pour être une base de travail, et la non la justification de décisions déjà préétablies.
La crise des Gilets Jaunes, qu’on soit d’accord ou non avec ce mouvement, en est sans doute l’un des meilleurs exemples. Quand des demandes légitimées par une partie importante de la population réclament des changements aux instances décisionnaires de notre pays (n’oublions pas qu’au départ, plus des deux tiers des Français comprenaient et soutenaient le mouvement), et que la seule réponse alors proposée relève d’un silence méprisant, d’une réponse négative ferme, sans compréhension, sans argumentation, sans dialogue ; quand vous avez demandé, bloqué des rond points, manifesté, avec une certitude intestine que votre combat est légitime ; quand vous n’êtes pas entendu, quel que soit votre mode d’action, du plus doux au plus violent : que vous reste-t-il finalement pour vous faire entendre ?
Ce sentiment, je le vis depuis plusieurs mois dans le combat que nous menons à plusieurs pour défendre nos gares ferroviaires. Je ne parlerais qu’en mon nom sur ce sujet.
Il y a un an, nous avons appris le projet de modification des horaires de trains sur la ligne Bordeaux Agen. Nous avons alors pris attache auprès de la Région Nouvelle-Aquitaine pour évoquer le sujet, et appris avec surprise sur une première visioconférence de janvier 2021 la suppression envisagée (ou programmée) de nos gares. Une première mobilisation a permis de réviser ce jugement, et en avril 2021, une seconde visioconférence nous a fait part de la nouvelle grille horaire applicable à compter de décembre, avec des modifications importantes qui dégraderaient la qualité de vie de nos habitants et justifieraient à terme la fermeture de nos gares par une désertion des usagers.
Depuis ce mois d’avril, à de nombreuses reprises, par courrier, par mail, par téléphone, par pétition, nous avons remonté nos inquiétudes, fait part de nos désaccords, remonté des propositions … Pendant six mois, malgré ce travail, la seule réponse que nous avons eu a été celle du néant, du rien. Pire que le non : l’indifférence.
Nous étions Polyphème au pays des Cyclopes, répondant « Personne » à ceux qui lui demandait le responsable de son dépouillement. Personne n’était pas personne, mais le nom qu’Ulysse, caché dans sa grotte, avait habillement choisi de se donner. Notre Ulysse à nous, c’était la Région Nouvelle Aquitaine et la SNCF.
Quand vous êtes face à cela, que vous êtes viscéralement convaincu que votre combat est juste, légitime, qu’il mérite d’être mené ; quand s’ajoute à cette colère intérieure le mépris de nous méconsidérer au point de nier notre propre existence, je vous assure qu’il est difficile de ne pas se laisser gagner par un sentiment tout aussi complexe que puissant, mélange de colère, de frustration, d’incompréhension, de tristesse aussi, qui devient finalement une source intarissable d’énergie pour aller au front.
Il nous a fallu utiliser le levier regrettable de la médiatisation pour nous faire entendre et chatouiller le colosse (Pour défendre les lignes de TER, quatre maires du Sud-Gironde parodient la pochette d'Abbey Road des Beatles (francebleu.fr)). Je ne regrette pas de l’avoir fait, car les choses commencent à bouger. Je regrette cependant qu’il fût le seul moyen de se faire entendre. Un élu ne devrait pas avoir à faire le buzz pour exister …
Viendra un temps où chacun devra rendre compte de ses paroles et de ses actes, fussent-ils inexistants (car l’inaction est aussi révélatrice que la prise d’initiative). Il en va ainsi après chaque bataille. Il faudra justifier des errements et des dysfonctionnements qui ont engendré cette escalade dont peu peuvent sortir grandis.
On nous dira sans doute de faire aussi notre autocritique, que notre attitude n’avait pas été celle attendue. J’entends déjà résonner le mot respect dans la bouche de nos détracteurs. Respect, c’est justement le troisième impératif selon moi d’un noble combat.
Sur ce concept bien précis, je vais juste me permettre de reprendre avec quelques ajustements au contexte un joli texte que j’avais trouvé sur Facebook il y a quelques années, écrit par un militaire américain pendant la contestation raciale aux Etats-Unis. Il vaut pour beaucoup de luttes.
Le respect est une voie à double sens.
Si vous voulez le respect, le vrai respect, le respect sincère, alors vous devez le donner. Si vous voulez du respect, vous devez faire les choses nécessaires pour le gagner chaque jour. Il n'y a pas de raccourcis et pas d'exceptions. Le respect ne s'impose pas. Le respect ne s'achète pas. Le respect ne s'hérite pas. Le respect ne peut pas être exigé par la menace ou l’intimidation.
Vous pourriez obtenir ce que vous pensez être du respect, mais ce n'est pas le cas. Ce n'est qu'une apparence de respect. C'est la peur, c'est ramper, ce n'est pas le respect. Beaucoup trop de gens ne comprennent pas ce simple fait : il y a une énorme différence entre la peur et le respect.
Le respect se mérite. Le respect doit être gagné. Le respect doit être gagné chaque jour, par chaque mot, par chaque action. Il faut toute une vie de paroles et d'actes pour gagner le respect. Il suffit d'un mot imprudent, d'une action irréfléchie pour le perdre. Vous devez être digne de respect. Vous devez être à la hauteur, ou du moins faire de votre mieux pour être à la hauteur de ces idéaux élevés.
Pour gagner le respect, vous devez être juste. Il faut avoir du courage. Vous devez embrasser la raison. Vous devez savoir quand tenir la ligne et quand faire des compromis. Vous devez prendre vos responsabilités et vous responsabiliser. Vous devez tenir votre parole. Vous devez donner du respect, un vrai respect, pour le récupérer. Il n'y a pas de raccourci. Aucun.
Si vous essayez de forcer un homme à vous respecter, vous ne ferez que faire ce qu’il faut pour être moins respecté. Avec des menaces, par la violence, par la manipulation, vous pouvez peut-être le forcer à se taire. Mais ce n'est pas du respect. Ce n'est que l'illusion du respect. Vous pourriez forcer cet homme dans l'illusion du respect. Seriez-vous satisfait alors ? Cela vous ferait-il respecter votre position, celle qui a forcé un homme à l'illusion du respect ?
Si c'est ce qui compte pour vous, l'illusion du respect, alors vous ne parlez pas de liberté. Vous ne parlez pas de démocratie. Au lieu de cela, vous parlez de toutes les dictatures, des nazis à la Corée du Nord, où les gens sont alignés pour saluer avec le ciseau sous les parties intimes. Ce n'est pas ainsi qu'un homme devrait être obligé de montrer du respect qu'il ne ressent pas. C'est ce qu'on appelle l'esclavage. Si une personne veut le respect du monde, elle doit être digne de respect.
L’auteur ajoute que le respect est à double sens certes, mais qu’il doit d’abord venir du haut.
La non-violence, l’écoute et le respect sont donc selon moi des préalables à la réussite des échanges d’opinions qui indubitablement doivent alimentés notre société. Ils doivent être la ligne de conduite des élus, à tout niveau.
Sans cela, la fonction de maire sera toujours plus difficile. Il est celui qui subit en première ligne ses conséquences, soit parce qu’il devient lui-même acteur des luttes, soit parce qu’il est, en sa qualité d’élu de proximité, le premier au contact des manifestations de colère.
Chaque jour, chaque semaine, chaque mois, la course aux armements qui remplace celle des arguments fracture toujours davantage notre société.
Même si c’est bien le millième coup de marteau qui finit par fissurer le pilier d’une fondation, n’oublions jamais les 999 précédents qui ont eu un rôle tout aussi important dans le résultat final.
Reste à savoir à combien nous en sommes …

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